Bilan de l'année : litiges en matière de travail et d'emploi en France
- dv4people

- 8 avr.
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Dernière mise à jour : 8 mai
La Cour de cassation est la plus haute juridiction du système judiciaire français. Elle veille à ce que les décisions des cours d'appel et certains jugements des tribunaux de prud'hommes respectent les règles de droit, sans rejuger l'affaire. Elle est le dernier recours dans l'ordre judiciaire. Certaines des décisions les plus importantes rendues par la chambre sociale de la Cour de cassation au cours de l'année écoulée sont détaillées ci-dessous.

Contentieux Dans un arrêt en assemblée plénière du 22 décembre 2023, la Cour de cassation a jugé que la déloyauté dans l'obtention ou la production de preuves ne conduit pas nécessairement à leur exclusion des débats. Cependant, le juge doit, lorsqu'il est sollicité, apprécier si ces preuves portent atteinte à l'équité de la procédure dans son ensemble, en équilibrant le droit à la preuve et les droits conflictuels potentiellement violés. Le droit à la preuve peut justifier la production de preuves portant atteinte à d'autres droits, à condition que cette production soit essentielle à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Dans ce cas, la preuve reposait sur un enregistrement d'un entretien réalisé par l'employeur à l'insu de l'employé. En acceptant la recevabilité de preuves obtenues de manière déloyale, la Cour de cassation a opéré un changement majeur dans la jurisprudence.
La Cour de cassation a également statué, dans un arrêt du 4 septembre 2024, que le non-respect du temps de repos d'un salarié ou le fait de le faire travailler pendant son congé maladie ou son congé maternité entraîne nécessairement un préjudice ouvrant droit à réparation. Depuis 2016, la Cour de cassation avait abandonné la notion de 'préjudice nécessaire', qui déduisait de la plupart des violations des obligations légales ou contractuelles de l'employeur l'existence automatique d'un préjudice donnant droit à des dommages-intérêts. Elle considérait que le salarié devait fournir des preuves justifiant le préjudice qu'il prétendait avoir subi. Avec cette décision, la Cour de cassation accepte donc trois exceptions à son arrêt de 2016, ce qui pourrait annoncer d'autres exceptions à l'avenir.
Enfin, la valeur des procès-verbaux de conciliation des tribunaux de prud'hommes a été renforcée par un arrêt du 24 avril 2024, dans lequel la Cour de cassation a finalement clarifié qu'il est possible de concilier lors de cette audience de conciliation à la fois sur la rupture et l'exécution du contrat de travail. Cette clarification était bienvenue, car certains employeurs pourraient être réticents à signer un accord de conciliation en raison de la survie potentielle des réclamations relatives à l'exécution du contrat de travail. Cependant, il convient de noter que certains tribunaux de prud'hommes, notamment le tribunal de prud'hommes de Paris, résistent à cette jurisprudence, permettant la conciliation uniquement sur la rupture du contrat de travail.
Rémunération variable La rémunération variable reste une source importante de contentieux. Dans une décision du 15 novembre 2023, suivie d'une autre du 22 mai 2024, la Cour de cassation a jugé que la valorisation des actions gratuites attribuées à un salarié ne constitue pas un salaire et ne doit donc pas être prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement. Ces arrêts suivent plusieurs autres qui ont exclu les options de stock et les plus-values réalisées lors de l'exercice des options de la qualification de salaire.
Travail à distance et télétravail Un arrêt notable du tribunal de prud'hommes de Paris du 1er août 2024 a jugé qu'un salarié ne peut pas prétendre télétravailler régulièrement depuis l'étranger sans le consentement de son employeur. Dans le contexte de la crise sanitaire du covid-19, une entreprise avait temporairement mis en place des mesures de télétravail permettant aux salariés de travailler depuis l'étranger, à condition que le décalage horaire avec la France soit limité à deux heures et qu'ils communiquent leur adresse de résidence temporaire à l'employeur. Après les périodes de confinement, l'employeur a découvert que la salariée s'était installée au Canada et lui a donc ordonné de reprendre le travail au bureau. Face à son refus, l'employeur a licencié la salariée pour faute grave. Le tribunal de prud'hommes a estimé que la faute grave était particulièrement caractérisée par une attitude déloyale, le défaut de communication de sa résidence à l'employeur malgré de nombreuses demandes, le fait qu'elle avait prétendu être revenue en France, et les risques juridiques et fiscaux importants créés par cette situation pour l'entreprise.
Congés payés Pour se conformer au droit de l'UE sur les congés payés, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 13 septembre 2023 qui a considérablement perturbé le droit du travail français. Contrairement au droit européen, le Code du travail français ne prenait pas en compte les périodes d'absence pour maladie non professionnelle dans le calcul des congés payés. Dans son rapport annuel de 2013, la Cour de cassation avait alerté les pouvoirs publics sur la nécessité de modifier le Code du travail français à cet égard. En l'absence d'action législative, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a jugé que, désormais, un salarié peut acquérir des droits à congés payés pendant les périodes de suspension de son contrat de travail pour maladie non professionnelle, avec des arriérés possibles jusqu'en 2009. Suite à cet arrêt, le législateur a réécrit l'article L3141-5 du Code du travail, qui prévoit désormais que la période de suspension pour maladie non professionnelle constitue une période de travail effectif ouvrant droit à congé.
Rupture conventionnelle La rupture conventionnelle est une rupture d'un commun accord du contrat de travail entre l'employeur et le salarié, qui ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties et repose sur le consentement libre des deux. Elle peut être considérée comme nulle en cas de consentement vicié (erreur, dol ou violence). Le dol est lorsque l'une des parties contractantes obtient le consentement de l'autre par tromperie ou mensonge. Bien que de nombreux litiges portent sur le consentement du salarié, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 19 juin 2024 qui a apporté des clarifications importantes dans une affaire où le consentement de l'employeur avait été vicié. Dans cette affaire, un salarié avait demandé à conclure une rupture conventionnelle dans le cadre d'un 'changement de carrière'. L'employeur a découvert par la suite que la véritable raison du départ était la création d'une entreprise concurrente. La Cour a jugé que l'employeur pouvait effectivement considérer que son consentement avait été vicié pour annuler une rupture conventionnelle. La Cour a également jugé que lorsque la nullité de la rupture conventionnelle est imputable au salarié pour avoir compromis le consentement de l'employeur, cela équivaut à une démission, et le salarié est logiquement condamné à rembourser à l'employeur l'équivalent de l'indemnité de préavis compensatoire et de l'indemnité spécifique de rupture.
La Cour de cassation a apporté d'autres clarifications importantes au cours de l'année écoulée concernant la rupture conventionnelle. Le Code du travail prévoit qu'un employeur et un salarié souhaitant conclure une rupture conventionnelle doivent tenir au moins un entretien avant de signer un accord. La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 13 mars 2024 que, en l'absence de disposition légale, le formulaire de rupture conventionnelle peut être signé le même jour que l'entretien, tant que l'entretien a lieu avant la signature.
Licenciements Avant de procéder à un licenciement économique, l'employeur doit mettre en œuvre toutes les mesures pour éviter les licenciements et rechercher et proposer aux salariés toutes les possibilités de reclassement. Ces offres de reclassement doivent inclure l'intitulé et la description du poste, le nom de l'employeur, la nature du contrat de travail, le lieu du poste, le niveau de salaire et la classification du poste. Dans une décision historique du 23 octobre 2024, la Cour de cassation a jugé pour la première fois que si l'un de ces détails manque, l'offre est considérée comme imprécise, ce qui constitue une violation de l'obligation de reclassement de l'employeur, rendant le licenciement économique automatiquement abusif.
Traduction libre article publié par A&O Shearman
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